Contacter Louis Gigout

Kano (Nigéria), avril


Les postes de Police se succèdent et nous n’en finissons pas d’être contrôlés. À chaque fois, les policiers lisent, page après page, mon passeport surchargé de tampons. Ils me font sortir mon bagage et l’amener au poste. Ils me questionnent comme si j’étais animé d’intentions belliqueuses à l’encontre de leur belle république militaire. Puis, se résignant à me considérer inoffensif, ils me demandent "le cadeau" que je leur refuse systématiquement. Ils n’insistent pas. Les passagers qui m’accompagnent n’ont pas autant de chance et les policiers trouvent toujours quelque chose qui n’est pas en règle. Ils n’ont plus alors qu’à se soumettre à l’"accomodation room". À un poste, une fois de plus, on me fait ouvrir mon bagage. Les policiers se mettent à ergoter à propos de mes pièces de monnaie étrangères, de mes carnets de voyages, de mes appareils photos avec téléobjectifs, de mes petites pierres colorées glanées ici et là et autres petits souvenirs dérisoires. Trop de choses bizarres pour un voyageur innocent.
– I want this, dit le policier en examinant attentivement le téléobjectif de mon appareil photo.
– Sorry ? Cela ne vous servira à rien. Il faut un appareil.
– I want the camera too. Give me.
– Vous rigolez ? Vous savez combien ça coûte ? Je regrette beaucoup.
Il me rend l’appareil et examine de nouveau mon passeport.
– What is that ? It is not correct here ! Vous devez retourner au poste de la frontière. Le cachet d’entrée n’est pas valable.
– Pas valable ? Il a été fait au poste de Kamale. Vous n’allez quand même pas prétendre que votre collègue ne fait pas son travail correctement !...
– And that stones. What is that ? And these little boxes ? Open it !
Patiemment, j’ouvre une à une les boîtes noires cylindriques contenant les pellicules de photographie.
– Hey ! What do you have in legs ? Vous avez des blessures aux jambes ! Que s’est-il passé ? (Mes jambes sont égratignées.) Vous vous êtes battu !
– Oh shit ! Ce n’est rien.
– What shit ? Avez-vous suffisamment d’argent pour payer, ici ? Montrez-nous vos devises. Et là, what is this money ?
– Chinese. C’est de la monnaie chinoise.
– Chinese ?
– Chinese, yes ! Chinoise. Esnoichi. Dans quel sens voulez-vous que je le dise ? Bruce Lee, you know...
Je sais ce qu’ils veulent mais je ne laisserai pas tomber. Je sais aussi que je ne dois en aucun cas m’énerver. Je réponds avec patience, répétant mes arguments avec un sourire aimable.
– Why are you laughing ? Vous vous moquez, quoi ?
– Oh non ! Je souris parce que je suis content d’être ici.



Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991
Dans les rues de la ville de Kano, Nigéria.

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991


Les angles des habitations sont arrondis et les murs légèrement incurvés sont rehaussés d’ogives effilées qui se dressent dans le ciel blanc. Leurs formes géométriques viennent qu’ils sont constitués de claies montées sur des armatures en bois. Les constructions sont un assemblage de cubes et de cylindres de terre séchée qui se prête à la sculpture et à la gravure. Ainsi, les façades des maisons sont souvent richement décorées de motifs en forme de triangle, de croissant et de spirale. L’ensemble est recouvert d’un enduit blanc parfois rehaussé de rouge vif et de bleu clair. Dans la pénombre des intérieurs, des silhouettes somnolent ou s’esquivent.


Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991



– Pourquoi avez-vous photographié ma maison ?
– C’est votre maison ? Elle est jolie.
– Qui vous a donné la permission de prendre des photos ? Les étrangers ne sont pas autorisés à prendre des photos au Nigeria.
– Vraiment ?
– Allons voir la police !
– Ce n’est pas une très bonne idée. Vous savez, quand j’ai passé la frontière en venant du Cameroun, les policiers ont regardé mes appareils. Ils ne m’ont pas dit qu’il était interdit de m’en servir.
– Vous leur avez demandé ?
– Non. Mais les policiers ne sont pas des imbéciles. Ils doivent bien se douter que si je viens avec plusieurs appareils, c’est pour m’en servir !
– Mais vous n’avez pas demandé et je vous dis, moi, que vous n’avez pas le droit de prendre des photos.
– Bon, ne vous fâchez pas. Regardez, je remets l’appareil dans la sacoche et je m’en vais. Ça va comme ça ?
– Ça va.
Les enfants me raccompagnent en chantant derrière moi « Good morning, sir ! »



Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, Kano, © L. Gigout, 1991

Nigéria, © L. Gigout, 1991
Nigéria, sur la route de Zinder. Rien à manger que des bouts
de ferraille, ultimes restes d'une très ancienne Peugeot.

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