Palais du Maharajah, Sayyaji Rao Road, Mysore. Détruit en 1897 par un incendie, il a été reconstruit à l'identique. |
Krishna Rajendra Circle, Dufferin Clock Tower. |
Krishna Raja Circle. |
Défilé du Kannada Rajavastava festival. (Kannada est le nom d'une ethnie du Karnataka.) Idem les photos suivantes. |
Shri Aravan, personnage de l'épopée hindoue du Mahabharata adoré comme un dieu dans le sud de l'Inde. |
Les têtes multiples de Brahmâ. |
Brâhma a quatre bras et brandit une massue d’or. Il est le Créateur né de lui-même. Sa monture est une oie symbolisant le Savoir, et son épouse est Sarasvati, déesse de la Parole et de la Musique. Vishnou, à tête de sanglier, est rouge. Il est le Protecteur. Ses réincarnations en Rama, le prince charmant, ou Krishna, le dieu berger auteur de la Bhagavad-Gîtâ dont hommes et femmes sont amoureux, s’appellent des avatars. Sa monture, Garuda, est mi-homme mi-vautour et son épouse, Lakshmi, est la déesse de la Fortune. Shiva est noir et a les yeux saillants. Il porte autour du cou des colliers de fleurs, un casque et une armure sur lesquels sont stylisés des crânes et des serpents. Un masque personnifie le très apprécié Ganesh, le dieu-éléphant, vainqueur d’obstacles, fils de Shiva et de Parvati. J’aime bien l’allure débonnaire et bienveillante du patron des intellectuels. Larguées en pluie par un avion, des milliers de fleurs blanches parfumées se répandent sur la chaussée. La fanfare interprète Douce nuit, sainte nuit sur un tempo jazzy. Les musiciens jouent de la cithare, du tambourin, du saxophone et de longues trompettes droites. Ils sont coiffés de turbans rouges et jaunes et portent des vestes en soie bleue, des écharpes blanches et des colliers de perles vertes.
Les joueurs de luth. |
À proximité de la gare, je reviens brutalement à la réalité. Un homme allongé sur le trottoir. Un de ses pieds est noir et crasseux, gonflé et éclaté comme un melon trop mûr. Des mouches l’entourent et le dévorent. Une odeur nauséabonde se dégage de lui. Un autre corps est rongé par la lèpre. Jambes atrophiées, une main sans doigts, il se traîne dans une caisse munie de roulettes en brandissant son membre gangrené.
Bomboo Bazar, non loin de Sayyaji Road. |
Un train, une locomotive, un regard. |
Traversée du Karnataka. |
En train dans le Karnataka, samedi 29 décembre 1990. Pour nous aider à traverser la zone montagneuse, une deuxième locomotive est venue se coller à l’arrière du train. Une devant, une derrière, identiques et à vapeur. Ce sont d’antiques machines soufflantes et hurlantes dont la fumée grise enveloppe le train dans leur nuage. Le convoi progresse à une vitesse variable. Dans les montées, nous pourrions marcher tranquillement sur le ballast pour nous dégourdir les jambes sans risque d’être distancés. Les locomotives s’épuisent et leurs hurlements deviennent des plaintes qui s’éteignent presque. Dans les descentes, le lourd piston sursaute, les bielles cartonnent, les roues d’acier bavent une écume graisseuse et la chaudière frémit. Dans son habitacle bardé de gros compteurs cabossés, de leviers et de manivelles, le mécanicien s’affaire, le visage maculé de suie. Il se penche par la portière, regarde devant, regarde derrière. M’apercevant sur le marchepied, il me fait un signe de la main. Profitant d’un arrêt en gare, je vais voir de plus près la machine qui s’apaise difficilement. Luisante comme un cheval après l’effort, elle cherche à reprendre son souffle. Le mécanicien est accoudé à sa fenêtre et regarde les badauds sur le quai. Quand il m’aperçoit, il me pose les questions habituelles : « Where d’you come from ? What is your name ? Are you married ? How many children have you got ? What is your job ?... » On nous sert pour le repas un chapati avec du riz et des sauces très épicées. À mélanger et à manger de la main droite, exclusivement. Le Karnataka est riche en végétaux et en cours d’eau, un peu montagneux, très jungle. Nous progressons, portés par la respiration haletante des deux monstres et je cherche à voir les habitants des lieux. Il me semble voir une forme noire se faufiler et se tapir dans l’ombre, des yeux brillants qui me regardent entre les arbres luxuriants.
Bagheera ?... J’entends un souffle rauque provenant d’un buisson. « Aurghhhh... » Serait-ce Shera Khan, le tigre boiteux ? Et là, enveloppé par la frondaison de la cathédrale végétale, n’est-ce pas Hahti qui se tient, l’éléphant sauvage de la tribu des fils de Tha. « Ahi aooo ! » Mais voici Mysa le chef des buffles en compagnie des cerfs mangeurs d’herbe. Ils sont nerveux car Tabaqui, le lèche-plat, le chacal colporteur de ragots, rôde. Ils sont tous là, les animaux du Peuple libre. Akela le loup gris solitaire, Sahi le porc-épic, la chauve-souris Mang, Chil le vautour et Kaa le python. Ils sont venus aux Grottes froides, sur les ruines de la cité morte inspirée à Kipling par la ville abandonnée de Amber. Dans le ciel, le chacal de la lune sort des brouillards du crépuscule. Mais où s’est donc caché Mogwli-la-grenouille, le petit frère sans poil, et ses amis, Baloo, Mère et Père Loup ?... Je les devine cachés derrière un tronc d’arbre ou un bosquet, la tête tournée vers nous. Il suffirait que profitant d’un ralentissement je saute en bas du train, que je m’enfonce dans la végétation en écartant les lianes et les roseaux. Alors je les verrais tous apparaître devant moi.
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